Depuis quelques temps j’avais envie de faire ma carabine de chasse. Pas par orgueil mais simplement parce qu’aucun des modèles vendu dans le commerce ne me convenait. Soit par le calibre proposé, la longueur du canon, ou encore le mécanisme.

-Ma première démarche a consisté à me procurer l’action à partir de laquelle je vais faire ma carabine. J’ai acquis une carabine complète d’occasion pour 120€, cette idée peut paraître saugrenue mais 120€ (même le double) c’est moins cher qu’un boîtier seul en pièce détachée et à ce prix la j’ai la crosse en plus. En l’occurrence une Zastava M 70 avec crosse à busc de type Monte-Carlo. Le mécanisme de la Zastava présente plusieurs avantages, d’abord son prix modique, ensuite ce n’est pas un boîtier militaire M 98 reconditionné. C’est un mécanisme neuf de fabrication actuelle obtenu par forgeage, ce n’est pas de la microfusion. C’est la réplique exacte du boîtier Mauser « Chasse » tel qu’il fut fabriqué par la FN ou par Mauser avant guerre. Il a tous les avantages du mécanisme Mauser 98 (aussi les défauts), de plus il ne possède pas les horribles échancrures pour le pouce et la lame chargeur des modèles militaires, ce détail augmente sa rigidité. Le Boîtier Zastava M 70 possède également un fond de magasin basculant.

-Ensuite il a fallu que je me procure, un nouveau canon dans le calibre de mon choix. Je suis anti calibres magnum c’est contre ma religion, les cartouches sont plus chères, le recul plus fort, il y a plus d’usure du canon pour un gain d’efficacité pas toujours très significatif. Une munition au culot standard présente l’avantage de ne pas nécessiter de modification du chargeur et de la tête de culasse et je garde les 5 coups du magasin. J’ai immédiatement pensé au 8x60S, le calibre 8mm est certainement plus polyvalent que le calibre 30. Hélas, la 8x60S est à 70 € la boite de 20 chez RWS et semble fabriquée de façon très irrégulière. Je me suis donc orienté vers le 8x64S, cette cartouche est un poil plus puissante que la 8x60S et son prix nettement plus abordable, à 30 € la boite chez Sellier Bellot.

Le canon sera donc un Lothar-Walther en 8x64 S de 66 cm de long. Evidement, avec un canon aussi long on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une arme maniable pour la battue, mais j’aime les canons longs (ce n’est pas phallique) ça a de la gueule et la vitesse obtenue est assez élevée avec des poudres lentes. J’ai pris un canon un peu plus étoffé que la moyenne (16,5 mm à la bouche) pour 3 raisons :
-d’abord pour qu’il ne paraisse pas trop fin vu sa longueur,
-ensuite il sera théoriquement plus précis qu’un canon ordinaire
-enfin plus l’arme est lourde moins elle recule (détail secondaire en 8x64S).

Le boîtier, le canon, l'alésoirs, les jauges de feuillure

 

-Je me procure enfin les jauges de feuillure « GO et NO GO »et l’alésoir de chambre en 8x64S. Les jauges sont nécessaires au bon montage du canon elles déterminent la profondeur de la chambre, l’alésoir n’est pas indispensable, je n’en aurai d’ailleurs pas besoin.
 
Une fois tous ces éléments en ma possession, je fabrique l’étau et la pince qui vont me permettre de recanonner ma carabine.
Pour l’étau je réalise à l’aide du tour 2 demi coquilles au diamètre exact du canon à la chambre. Je perce et allaise dans un bloc d’acier doux un trou, ensuite je coupe le bloc en deux. Je fabrique également un solide support en cornière de 50x50x5mm sur lequel je vais serrer les 2 demi coquilles.

Le mordache du canon il est recouvert de résine de colophane pour éviter tout ripage

 

Pince pour le boîtier

 

La pince va serrer le boîtier au niveau du filetage pour éviter tout risque de déformation, Elle doit avoir la forme du boîtier pour le maintenir parfaitement.

Pince et le boîtier

 

-La 5 eme étape consiste à démonter le canon d’origine, à polir le boîtier et la culasse de la Zastava M 70. Il y a beaucoup de travail, la finition est assez sommaire et les aciers sont très durs.
Une fois l’action Zastava préparée, je vérifie la portée des tenons de verrouillage au noir de fumée. La portée des 2 tenons est parfaite, mon boîtier est d’occasion, déjà rodé. En cas contraire un peu de pâte à roder résout vite le problème.

tenons de verrouillage et noir de fumée

 

Le boîtier Mauser 98 présente, après le filetage, une épaisse cloison, un renfort, contre lequel s’appuie la tranche arrière du canon. Ce rempart augmente la résistance du boîtier. Seuls l’action CZ, certaines versions de l’ancienne Steyr Mannlicher et le boîtier Mauser 98 disposent de ce renfort. Il faut que le canon porte parfaitement contre cette cloison.

J’applique du noir de fumée sur la tranche arrière du canon, Je commence par visser à la main le canon dans le boîtier juste pour vérifier approximativement ma feuillure et déterminer le travail a effectuer. Arrivé en butée j’introduit la jauge de feuillure NO GO dans la chambre et je verrouille la culasse. Elle ferme, ma chambre est donc trop longue, il va falloir raccourcir la chambre en diminuant au tour très lentement la tranche arrière du canon. Je démonte mon canon la partie arrière porte parfaitement contre le renfort, mais pas l’épaulement du filetage qui doit aussi porter contre le rebord avant de l’action.
Notez qu’une chambre trop longue dans ce cas précis n’est pas un problème, le canon est cylindrique, les instruments de visée ne sont pas posés. Il n’est jamais très bon de reprendre une chambre avec un alésoir qui n’a pas servi à la forer, il peut y avoir une très légère différence de diamètre qui se traduit au tir par une marque sur l’étui.
 
Doucement je rabote centièmes par centièmes la tranche arrière du canon en vérifiant régulièrement la feuillure les portées au noir de fumée. A cette étape du montage je serre systématiquement le canon à la pince sur le boîtier. Après 4 démontages et 4 dixièmes de millimètres, ça y est ma feuillure est réglée mon canon est parfaitement assemblé.

Portées du canon contre son rempart

 

Le canon est repris au tour, la tranche arrière...

 

...ainsi que l'épaulement.

 

Le canon est serré dans l'étau.

 

Le boîtier est vissé contre le canon.

 

on vient en butée contre le boîtier de culasse et...

 

...le canon est serré à la pince.

 

 

Le recanonage n’est pas une opération à la portée du premier venu, mais ce n’est pas non plus insurmontable. Il faut juste du bon sens et un minimum de connaissances mécaniques.

Philippe SOURSOU
"Tout droit de reproduction est réservé"

 

le recanonage nécessite une autorisation de transformation et de fabrication des armes de 1, 4, 5 & 7ème catégorie soumis à autorisation préfectorale. Un passage au Banc d'épreuves des armes de St Etienne est ensuite obligatoire pour la commercialisation et/ou utilisation. Cette article est à titre d'information et réalisé par un armurier professionnel. Nous déclinons toutes responsabilités de ce qui pourrait en être fait.


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